vendredi 18 septembre 2009

Monsieur Nyumankè TRAORÉ

Bonjour cher lecteur !

Je vous écris aujourd’hui une belle histoire, trop belle pour une seule personne. C’est pourquoi je la dédie à tous ceux qui pensent faire le bien, afin qu’ils soient édifiés et poursuivent leurs œuvres sans jamais se lasser.

Nyumankè (nom bambara signifiant :’qui fait le bien - Bienfaiteur’) roulait sur une route quasi déserte lorsqu'il vit une voiture jolie Mercedes (voiture de marque allemande, très aimée au Mali) en panne sur le côté de la route. Malgré la faible lumière du jour, il aperçut le conducteur : un vieux qui avait l'air complètement affolé. Il s'arrêta devant la Mercedes. Puis, il sortit de sa vieille voiture : une « au revoir l’Europe –‘terme utilisé au Mali pour nommer une voiture d’occasion en provenance d’Europe’ », une AUDI 80 (voiture de marque allemande très répandue également au Mali) et se dirigea vers le pauvre en détresse. Malgré le sourire qui se dessinait sur son visage, il sentit combien le vieux était effrayé... Depuis le temps où celui-ci attendait, personne ne s'était arrêté. Il se posait la question en lui-même : « Est ce que ce jeune homme va me faire du mal ? ».

Nyumankè a bien constaté qu'il était effrayé. Il était resté debout dans le froid de janvier (au Mali, il fait très froid en janvier et décembre), près de sa voiture tout en grelottant. Maintenant, la peur tout autant que le froid, lui donnaient la chair de poule.

Nyumankè perçut sa peur. Néanmoins, il lui adressa la parole :
« Je vais vous aider Monsieur, dit-il, allez-vous asseoir dans la voiture où il fait un peu plus chaud... Mon nom est Nyumankè TRAORÉ ».

Nyumankè regarde minutieusement le véhicule et se rendit compte tout de suite qu’il n’avait qu’une crevaison ; mais en raison de l’âge avancé de son propriétaire, il ne pouvait rien faire tout seul.

Nyumankè s'accroupit, regarda sous la voiture pour voir comment placer le cric, frotta ses mains pour se réchauffer les doigts et se mit au travail. Le vieux vit qu'en remplaçant le pneu, il s'était sali et blessé à une main.

Pendant Nyumankè resserrait les écrous, le vieux baissa la vitre du véhicule où il attendait et commença à sortir de sa grande peur où il était jusque-là plongé, pour lui adresser la parole.
Il expliqua à Nyumankè qu’il était de Yorobougoula et était juste de passage à travers le Bélédougou (région du Mali, peuplé essentiellement de Bambaras, comprenant la ville de Kati, Kolokani et beaucoup de villages situés jusqu’à environ une centaine de kilomètres à la ronde. Le vieux ne trouvait pas assez de mots pour le remercier du précieux service rendu.

Nyumankè souriait en refermant le coffre où il avait rangé le cric après son travail. Le vieux lui demanda combien il lui devait pour ce bienfait. Mieux, il l’incita à demander gros en ajoutant que ce prix ne saurait jamais être trop élevé pour lui, vu qu’il avait eu beaucoup peur et s'était même imaginé des choses affreuses pour sa sécurité, avant que Nyumankè n’arrive.

Nyumankè lui répondit tendrement, qu'il n'attendait pas du tout un salaire ; que c’était gratuit, qu’il n'avait fait qu’aider quelqu'un dans le besoin, que Dieu seul savait combien de fois des gens l'avaient aidé, lui aussi, dans le passé. Et que c’était pour quoi, il menait son existence de cette manière ; qu’il ne lui venait plus à l’esprit d'agir autrement, d’agir pour un salaire ou une récompense. Pour terminer enfin, il dit au vieux, que s’il voulait vraiment le payer en retour, la prochaine fois que celui-ci verrait quelqu'un dans le besoin, il devrait simplement donner à cette personne, l'assistance nécessaire ; et il conclut ainsi : « Souvenez-vous de moi. Souvenez-vous de ce geste ».

Il attendit que le vieux démarrât son véhicule pour s'en aller dans la paix et la quiétude. C'était une belle journée froide, la vie n'était pas facile pour lui en ce moment, mais il se sentait bien en prenant le chemin de la maison car il se disait qu’il était utile d’autant plus qu’il avait fait le bien à quelqu’un.
A quelques kilomètres de là, le vieux trouva un restaurant. Il y entra pour se réchauffer et prendre une bouchée avant de continuer sa route à travers le Bélédougou. C'était un restaurant très modeste devant lequel se trouvaient deux vieilles pompes à essence. La serveuse l'accueillit et lui offrit une serviette propre pour se frotter les cheveux mouillés et les faire sécher…

Le vieux avait retrouvé un gentil sourire, malgré le fait qu’il ait été debout toute la journée pratiquement. Il remarqua que la serveuse était enceinte d'environ huit mois, mais que ni l'effort du travail, ni les stress de la vie professionnelle ne lui enlevaient sa bonne humeur et son sourire. Le vieux se demanda comment une personne très mal payée, pouvait être si généreuse envers tout le monde, et particulièrement envers les étrangers. Aussitôt, au même moment, il se souvint de Nyumankè. Quand il finit son repas, il paya avec un billet de 10.000 (dix mille) CFA (15,25 euros).
La serveuse alla vite chercher la monnaie. Mais le vieux se faufila dehors et quitta les lieux avant que la serveuse ne soit de retour. Lorsque celle-ci revint, elle ne le trouvait pas. Elle se demanda où le vieux pouvait bien se trouver. Debout, elle attendit un peu auprès de la table qu’il occupait. Tout à coup, elle remarqua alors une note sous la serviette de table. Des larmes coulèrent de ses yeux, quand elle lut ce que le vieux lui avait écrit :
« Vous ne me devez rien. Je suis aussi passé par là. Quelqu'un m'a aidé à m'en sortir comme je le fais pour vous maintenant. Si vous voulez réellement me payer en retour, voici ce qu'il faudrait faire : ne permettez pas à cette chaîne d'amour de prendre fin avec vous.»

Et sous la serviette de table, il y avait vingt autres billets de 10.000 CFA, soit 200.000 CFA au total (304,89 euros). Eh bien ! Bien qu’il y ait encore des tables à nettoyer, des boîtes de sucre à remplir, la serveuse décida de le faire un autre jour…
Elle rentra chez elle, dans son quartier bidonville (‘shanty town’) et en se mettant au lit, elle pensa à l'argent et à ce que le vieux lui avait écrit.
Comment le vieux aurait-il pu savoir qu'elle et son mari en avaient tant besoin ? Avec un bébé le mois suivant, cela s'annonçait très dur. Elle savait combien son mari était inquiet et en se glissant près de lui, elle lui donna un doux baiser et chuchota doucement à son oreille : «Tout ira bien. Je t’aime, Nyumankè TRAORÉ. » Et elle lui raconta ce qui s’était passé avec le vieux et que vous connaissez aussi maintenant.

Un vieux proverbe dit ceci : « UN BIENFAIT N'EST JAMAIS PERDU… ». Si nous avons donc les moyens, n’hésitons pas nous aussi à faire le bien à toute occasion et partout. Donnons la chance aux pauvres de ne jamais perdre espoir et de se convaincre que leurs mains ouvertes doivent attraper quelque chose. Ne les frustrons pas surtout par notre refus obstiné de leur venir en aide…

Aujourd'hui, je vous envoie cette belle histoire. Je vous prie de la faire circuler. .. Permettez que cette lumière brille.... Ne la supprimez pas !
S'il vous plaît, passez-la à un ami.
Les bons amis sont comme des étoiles...
Vous ne les voyez pas toujours...
Mais vous savez qu'ils sont toujours là.

QUE DIEU NOUS BENISSE TOUJOURS !

Au revoir !

Babilé Traoré

mercredi 16 septembre 2009

Gestion Affaires Publiques

Après le renvoi du code en seconde lecture devant les députés : Vivement la République Islamique du Mali ?

22 Septembre, 31/08/2009

Après la reculade du Président de la République dans la désormais célèbre affaire du Code des personnes et de la famille, on peut sans risque de se tromper affirmer que le Haut Conseil Islamique, dirigé par l'imam Mahmoud Dicko, a gagné la bataille. Il lui reste maintenant à gagner sa guerre: la proclamation de la République Islamique du Mali. Avec comme Constitution la Charia: la parole de Dieu.


Le Mali est en passe de perdre sa renommée démocratique et de glisser doucement sur la voie d'un État islamique, où seul le Coran et les Hadiths ont droit de cité. En effet, le Président Amadou Toumani Touré a pris, le mercredi 26 août, la décision la plus grave de sa mandature, en renvoyant devant l'Assemblée nationale le Code des personnes et de la famille en seconde lecture, sous la pression des islamistes. Et en promettant que le texte sera revu pour prendre en compte les récriminations de Mahmoud Dicko et de ses camarades. C'est là où le chef de l'Etat se trompe lourdement, en croyant que l'instance dirigeante du Haut Conseil Islamique va accepter de négocier la parole de Dieu. Ne nous y trompons point: il s'agit d'inscrire dans le Code les prescriptions du Coran et des Hadiths, car, en Islam, la parole divine est irrévocable. Si Mahmoud Dicko, qui a jeté ses troupes dans la rue au nom de la défense de l'Islam accepte des demi-mesures, autres que celles recommandées par Dieu, il trouvera les uns et les autres sur son chemin.C’est aux membres du Haut Conseil Islamique de poursuivre leur combat: la défense de l'Islam. Qu'ils demandent donc maintenant à ATT de fermer les bars et les maisons de passe qui pullulent à Bamako. Tout le monde sait ce qui s'y passe, de jour comme de nuit. C'est amoral, immoral, scandaleux, dangereux pour le développement d'une société qui entend être en phase avec les normes de l'Islam. Que dire du comportement vestimentaires des jeunes, filles ou garçons, et même de certaines femmes? Que dire des mensonges, des vols, de la démagogie et des comportements déviants de personnes se proclamant responsables d’organisations islamiques? Qui ne sait pas qu'un Imam de Magnambougou a été il y a peu condamné à 18 mois de prison ferme dans l'affaire des exos des sociétés minières? Qui ne sait pas encore que plusieurs dirigeants de ce type ont trempé dans de sales affaires, notamment celle du Trésor? Qui ne sait pas aussi que nombreux sont ceux d'entre-eux qui tentent d'escroquer ou escroquent même les Saoudiens et autres Iraniens?Vivement la proclamation de la République Islamique du Mali, pour enrayer réellement de tels comportements et être en phase avec Dieu. Car l'Islam est un comportement de tous les jours, un mode de vie exemplaire. Il ne s’agit pas seulement d'observer publiquement les cinq piliers de la religion: la reconnaissance de Dieu et de son prophète Mohamed (Paix et Salut sur Lui) la prière, la zakat, le jeûne et le pèlerinage.ATT a capitulé, il faut l'admettre. La voie est donc libre pour l'instauration de la République Islamique du Mali, puisque dans le Mali démocratique, dans le Mali laïc, Dicko et ses supporters refusent que le mariage le soit aussi. Selon eux, il doit être religieux. Ils refusent également que la femme et l'homme aient la même part dans le partage de l'héritage. Ils prônent d’appliquer les prescriptions coraniques, qui attribuent au garçon le double de la quote-part de la fille. Ce qui est contraire à la Constitution de 1992, qui proclame l'égalité entre tous les citoyens.De deux choses l’une: soit le Haut Conseil Islamique défend vraiment les prescriptions du Coran, soit il est politiquement manipulé. Répétons-le, il n'y a pas de demi - mesures dans la défense de l'Islam. Il est fondé sur le Coran et les Hadiths, avec comme Constitution la Charia. Si les dirigeants du Haut Conseil Islamique ne vont pas au bout de leur logique, c'est qu'ils sont en service commandé pour déstabiliser le régime. C’est à dire qu'ils sont politiquement manipulés, de l’intérieur ou de l’extérieur.Le Code renvoyé en seconde lecture pourrait bien être jeté pour du bon aux calendes grecques, parce que les revendications des Islamistes jurent avec la Constitution. Ce qu'il faut craindre maintenant, c'est qu'avec la relecture des textes fondamentaux de la République en cours, le Haut Conseil Islamique ne demande qu'on ôte de la Loi fondamentale le principe de la laïcité de l'Etat. C'est ce qui devrait être sa logique pour gagner sa guerre: celle de la proclamation de la République Islamique du Mali. Vivement donc le nouveau Mali?

Chahana Takiou, Depuis Tombouctou

22 Septembre, est seul responsable du contenu de cet article

PAR DELA LE CODE DE LA FAMILLE

Les Echos du 16 septembre 2009 (Mali)

ATT ou la solution de la facilité et de l’hypothèque
Musulman de surcroît et non moins admirateur du président de la République pour son combat pour la mise en place d’un véritable réseau routier et d’infrastructures dans le pays, base de tout développement durable, je m’impose un devoir d’audace et de refus de ce que je considère comme une reculade aux conséquences graves.La nation se fonde sur le dépassement des particularismes au nom de l’essentiel stratégique. Pratiquer sa religion est avant tout une affaire de liberté mais aussi privée. L’Etat est de l’ordre du public, régent suprême, en certains points, du privé, qui se voit régulé par la loi qui s’impose à tout. Entre le vent de Paris et le souffle de Riyad ou du Caire, notre pays enterre son essentiel, ce qui nous faisait nous, nous-mêmes avant l’Occidental et son canon, l’Arabe et son sabre.Un Etat qui recule de trop est un Etat qui se met sous tutelle et il est plus facile d’être sous tutelle que de s’en libérer. La surenchère religieuse a la particularité d’être incapable de se donner des limites. A ceux qui se sont empressés de se réjouir de cette reculade de l’Etat, les fanatiques ont déjà donné des gages de regain revendicatif. Ça avait déjà commencé, il y a des années, quand on avait exigé la fermeture des bars pendant le ramadan.Le brave Haïdara, prêcheur tonitruant, avait donné raison à la fermeté de l’Etat en signifiant à nos talibans de cette époque-là que le musulman n’était obligé d’aller dans un bar au mois de ramadan, mieux qu’avant de hurler pour nettoyer la rue, il fallait d’abord une cure, sinon une lessive à la maison, là où toute éducation commence, en tant que premier milieu socialisateur. Aujourd’hui, l’Etat s’est affaissé et nous ne connaissons, pour l’instant, que quelques épisodes du film qui n’a pas fini de s’écrire sur le sol malien.Episode1 : tentatives des associations musulmanes d’imposer leur point de vue lors de la phase consultative.Episode 2 : exigences pour la non-promulgation du code voté à l’Assemblée.Episode 3 : victoire des batteurs de pavé avec la non-promulgation du code, désaveu de l’Assemblée censée représenter tout le Mali, au-delà des religions et des ethnies de notre nation.Episode 4 : Cassette odieuse pour inciter au meurtre des représentants de l’Etat même si Bandjougou n’a parlé qu’en son nom. Pour ceux qui ne le connaissent d’ailleurs pas, il s’est illustré à la mosquée de Dravéla contre le "sabar" sous Konaré, un vendredi où les autorités de l’époque furent maudites avant la prière.Episode 5 : ATT plutôt que de mettre un terme à la reculade reçoit Bandjougou, auteur de la fameuse cassette comme si au Mali on pouvait plaisanter avec le mot mort ou djihad sans rien craindre !Episode 6 : L’Association des jeunes musulmans du Mali exige et obtient qu’elle soit désormais associée à la relecture en collaboration avec la commission des lois de l’Assemblée comme annoncé par le journal L’Indépendant il y a quelques jours (des députés bis).Quant aux prochains épisodes, nul ne peut les prévoir mais une chose est sûre, les nouveaux héros défendront désormais le particularisme du canon islamique dans les années à venir.Il faut désormais craindre que les nouveaux héros ne lancent des fatwas contre ceux qui, tout en respectant l’islam, ont le droit d’aimer le pacte de Kurukanfuga qui stipule que "ni man fisa ni ye", c'est-à-dire qu’aucune vie humaine (celle d’un roi, d’un riche, d’un savant, d’un enfant, d’un fou, d’une femme) ne vaut plus qu’une autre vie, oui de préférer cela à des préceptes qui veulent que nos braves mamans n’aient pas l’autorité parentale sur des enfants quand le papa n’est plus ou s’est tout simplement volatilisé, refusant d’assumer son devoir éducationnel vis-à-vis des mômes au nom de la phallocratie, le pouvoir des hommes, en un mot le primat ontologique du masculin sur le féminin. Depuis qu’Eve a surgi des côtes fertiles d’Adam et non le contraire ! Encore, elle la femme, satanique créature qui pousse l’homme saint à la faute pour manger le fruit interdit !Et pourtant l’auteur de ces lignes n’est pas un féministe.Entre les pourfendeurs de l’influence occidentale et les ambassadeurs locaux de la domination arabo-islamique même si l’islam n’est pas forcément à confondre avec la culture arabe quoique aussi inséparables sur l’essentiel, quelle place pour les vraies valeurs maliennes, celles que les dominations occidentale et arabe sont en train de liquider depuis le IXe siècle ?Le Mali est divers et pluriel. C’est au nom de cette pluralité d’opinions que je me permets de réagir aux récents événements dans notre pays dont le chaudron n’est que momentanément apaisé. Musulman de surcroît et non moins admirateur du président de la République pour son combat pour la mise en place d’un véritable réseau routier et d’infrastructures dans le pays, base de tout développement durable, je m’impose un devoir d’audace et de refus de ce que je considère comme une reculade aux conséquences graves.L’avenir de ce pays n’est pas seulement du côté des applaudisseurs ? Nous devons commencer à avoir peur le jour où un musulman ne pourra plus contredire un musulman dans ce pays ou écrire pareilles lignes libres. Redoutons le retour du sabre et le règne de l’Omerta au bord du Niger.Cela prouvera - nous ne pouvons pas le souhaiter ni l’accepter - qu’une minorité fanatique a pris le pouvoir et a sur tout le monde droit de vie et de mort ! Que Dieu nous en préserve et que la lucidité et la tolérance prévalent ! Surtout que l’Etat républicain et laïc n’accepte faillir à son devoir protecteur et régalien! Respect donc à tous ceux qui ne partageront pas les points de vue qui suivent ! Je leur dédie fraternellement cette réflexion pour la simple raison qu’ils ne pensent pas comme moi. Quelle richesse !Le président ATT se trouvait donc à la confluence des contradictions, pris entre les tenailles des batteurs de pavé au nom de l’arrimage des lois républicaines au canon de l’islam et celles des élus du peuple ayant donné leur caution délibérative et populaire (sens républicain) à ce désormais fameux Code de la famille en lui conférant cette aura démocratique par le symbole de la représentation à travers leur élection au suffrage universel.Dans ce qui fusionnait à la fois l’imbroglio et le choix cornélien dont l’évolution semble avoir pris de cours tant les mandatés de Bagadadji que la Primature et ATT, lui-même, l’homme de Koulouba a choisi la solution de la facilité et de l’hypothèque sur l’avenir que d’aucuns qualifient de décision sage. Ainsi il est plus facile de soigner le présent que de sauver l’avenir de la surenchère fanatique et des velléités souterraines de "talibanisation" de l’Afrique (Mauritanie, Nigeria, le Septentrion malien) même si cette frange reste encore minoritaire. Fort heureusement !L’incandescence de la vue aura eu raison de la sérénité de la vision et c’est bien le présent qui tend des pièges alambiqués à demain. Gouverner, ce n’est pas seulement prévoir, c’est également préserver l’essentiel qui unit au-delà des particularismes ethniques, religieux. Il est des compromis qui cachent des compromissions. Un Etat qui recule trop est un Etat qui finit par tourner le dos et courir à grandes enjambées. L’islamisation violente de l’Afrique, les siècles passés, sans oublier le fracas en Afghanistan et en Irak, prouvent qu’avec les religions, la fermeté (ce qui ne signifie nullement une guerre contre la liberté de religion) peut à la fois sauver les croyants tolérants et la nation tout entière contre les dérives et les surenchères fanatiques. La foi cimente, unit mais reste privée. Constitution laïque, garante de l’équilibreCe qui unit toute la nation, sans exclusive, au-delà des différences ethniques, confessionnelles et sexuelles, c’est bien la constitution laïque, garante de l’équilibre. Et même avec ce Code de la famille, cet équilibre est plus que préservé. Il ne touche nullement aux fondements essentiels d’aucune religion. Si les religions, les mosquées et les églises n’ont pas pu empêcher beaucoup de croyants d’avoir les enfants hors mariage, le bon sens commande de s’occuper bien de ces êtres innocents, pleinement humains en droits et en devoirs. Dans un pays laïc, on ne fait certes pas une loi pour empêcher la pratique libre d’une religion. On n’en fait pas non plus pour s’arrimer au canon juridique d’une religion à moins qu’on ne veuille instaurer clairement une République islamique avec la charia comme loi suprême.Quel est le pays laïc au monde dont aucune loi ne contredit un précepte religieux ? Les tribunaux du Mali tranchent-ils les affaires, prononcent-ils les verdicts selon la charia ? Les intérêts dans les banques sont-ils refusés par les croyants ? Ces verdicts et ces pratiques ne sont-ils pas en flagrante contradiction avec la religion musulmane qui propose de couper la main au voleur, de lapider le coupable d’adultère ? Voilà deux grandes administrations nobles dont le fonctionnement est antinomique aux préceptes musulmans pourtant ce fonctionnement est normal et en harmonie avec les lois républicaines (je ne parle pas des pratiques des hommes au sein de ces administrations mais plutôt de leur fonctionnement global, leur modus operandi). Les batteurs de pavé nous demanderont-ils demain de trancher les contentieux selon l’islam ? Les voleurs ont-ils les mains coupées au Mali ? Les coupables d’adultère sont-ils lapidés ? Pourquoi ne demande-t-on plutôt à sanctionner ces adultes sains d’esprits et responsables plutôt que des enfants innocents en les ostracisant ? Les pots de vins souvent payés dans les transactions, pratiques généralisées dans notre société ne sont-ils pas "sataniques" ? Pourquoi donc donner plus de droits à nos mères serait-il satanique que des pratiques à propos desquelles on n’entend pas le Haut conseil islamique ? Le faux procès d’occidentalisation du pays ne cache-t-il pas un regain d’arabisation ou d’islamisation ? L’islam, quoique respectable est-elle la foi de tous les Maliens ? La foi est une affaire sérieuse mais privée. Elle ne peut nullement primer les lois républicaines et laïques.Ce Code ne donne-t-il pas d’ailleurs la possibilité au croyant de faire son testament de son vivant selon les préceptes de sa religion, ce qui est d’ailleurs une atteinte à la laïcité ? Il y a des moments où un pays qui peine à se développer, à manger à sa faim et à boire l’eau potable à suffisance, doit plutôt converger les énergies pour faire cesser des pratiques qui le mettent en retard sur son potentiel plutôt que de s’affronter sur des points d’un Code nullement satanique si ce n’est qu’il considère la femme comme un être humain à part entière. La femme et l’homme sont différents mais l’homme est-il supérieur à la femme ?L'Etat prend un sacré coupA-t-on jamais vu le Haut conseil islamique battre le pavé contre la corruption et autres pratiques sataniques si ce n’est le courageux Haïdara qui ne mâche pas ses mots sur ce fléau sociétal?Le renvoi en seconde lecture est certes constitutionnel mais c’est l’Etat désormais qui prend un sacré coup à travers deux de ses institutions clés, l’exécutif et le législatif. Et dans cet affaiblissement le silence poltron des députés, leur manque de courage au nom d’une paix sociale dont les manifestants - à ne pas confondre avec tous les musulmans encore moins tous les Maliens, comme l’analysait justement Adam Thiam dans un article, ne sont pas les seuls à décider, est également de quelque chose. Le commandant en chef s’est aussitôt senti dans sa solitude envahissante, croyant que le navire allait chavirer. Tout un signe dans notre météo politique !D’entrée, il faut préciser le respect pour l’islam comme pour toute autre religion ne serait- ce que pour ses croyants mais s’assumer face à l’histoire exige plus que des compromis mous.ATT a refusé de promulguer le Code déjà passé à l’Assemblée, un cinglant camouflet aux législateurs qui se voient désavoués dans la chaîne de l’élaboration des lois censées régir le pays au nom de l’organisation de la vie sociétale et de l’équilibre du vivre ensemble. Si ATT le promulguait, il aurait eu le bénéfice du courage politique, l’audace d’avoir tranché, le mérite de s’être assumé comme un De Gaulle prenant la lourde décision du retrait français en Algérie, une manière implicite à l’époque, pour l’homme du 18 juin 1940, de reconnaître l’impasse du projet colonial et les limites de la domination. La France et le Mali sont évidemment différents sans oublier le paradigme spatio-temporel mais la décision de De Gaulle n’était-elle pas plus lourde de conséquence (il a même frôlé un assassinat du fait d’une partie des officiers partisans d’une Algérie française, un giron, à leurs yeux, non négociable) ?Certes la promulgation aurait fâché les batteurs de pavé, prolongé les manifestations pour encore quelques jours mais la loi finirait par s’imposer à tous. Des malédictions se feraient dans les mosquées comme on en a déjà connues à d’autres occasions, le Mali continuerait. Plutôt que de maudire, il est d’ailleurs attendu des oulémas de bénir ce pays qui trime dans sa misère depuis des décennies !Dans un pays laïc, certes l’équilibre sociétal exige la prise en compte des valeurs, de la culture, du fait religieux, de la liberté de sa pratique mais on ne fait pas une loi pour une religion fût-il majoritaire, sinon on ouvre les vannes pour d’autres surenchères confessionnelles. Pire, on crée un précédent fâcheux. Ce qui est hélas déjà le cas !D’évidence, un travail de pédagogie, de dialogue véritablement structurel a manqué tout comme une lucidité d’anticipation. Dans les sociétés anciennes comme modernes, le verbe pédagogique éclaire l’action sinon l’arbre à palabres - l’un de nos joyaux culturels - n’aurait guère de sens dans l’imaginaire populaire et notre propension à le brandir face à un Occident, un tantinet, donneur de leçons de civilisation.Il a manqué à l’exécutif tout comme aux députés la dimension timing que savent user souvent les dirigeants occidentaux. Le mois de Ramadan est celui du regain religieux. Quant à la mobilisation des anti-code, elle n’est certes pas à minorer tant en terme quantitatif qu’en impact. Il est des vases qui débordent, mais les matamores tonitruants battant pavé sous le soleil du Ramadan constituent-ils la vraie majorité face à des franges importantes de la société silencieuse jusqu’ici ? Les associations féminines, très nombreuses et dynamiques, qui devraient encenser ce Code préfèrent-elles le profil bas au nom du machisme légendaire de tant de sociétés humaines (il paraît qu’il n’y a jamais eu de femmes prophètes, quand l’on sait que Dieu qui a plusieurs noms est le bien le plus trafiqué ici bas selon les intérêts des uns et des autres).Ce monopole masculin du divin est à méditer tant dans chaque religion il y a des non dits comme cette fameuse histoire d’un Bilal noir esclave alors que le coran ne le cite guère, devenu esclave dans les hadiths compilés et assemblés plus de 100 ans après la mort de Mahomet en 632. Il y a aussi le silence sidérant des partis politiques qui ont, via leurs députés, voté le Code à l’Assemblée comme si défendre ce Code était blasphème. Avec la palme à un Mountaga Tall qui croit se refaire une santé politico-électoraliste à travers ce tournant de notre histoire dont les conséquences sont nombreuses et imprévisibles, sortant de sa tanière aussitôt le recul d’ATT.Qu’y a-t-il de satanique dans ce Code en matière de remise en cause de nos valeurs si ce n’est donner- par la force de la loi - un peu plus de droits à nos mères, épouses et sœurs, de tous les combats en tout temps et en tout lieu au nom de l’élévation de notre nation, du progrès de notre société ? Quelle société peut-elle se développer en reléguant la femme au second plan ? Sans exception, tous les pays qui se sont tirés de la misère et de l’humiliation des dons occidentaux, voire arabes ont donné toute sa place au féminin. Et même les pays musulmans (Malaisie, Emirats arabes, Tunisie) qui commencent à se hisser ont bien compris le danger des conservatismes moyen âgeux.Nous ne sommes plus au moyen âge et ce n’est plus le temps où les Arabes venaient piller, envahir, violer, castrer les eunuques pour que des centaines aillent garder les reines et princières des harems afin que ces Noirs ne puissent pas avoir des relations sexuelles avec les femmes qu’ils gardent. Ce n’est non plus l’époque où tout roi africain non musulman était traqué et tué avec son peuple par des rois locaux, voisins, eux-mêmes islamisés de force et aidés des Arabes. Même le grand Ahmed Baba de Tombouctou, a été fait prisonnier, réduit en esclave lors d’une attaque de Tombouctou alors qu’il était déjà musulman, déporté. Il ne sera libéré que quelques années plu tard quand les Arabes se rendront compte de son érudition en islam. Ce pillage des fils et des filles d’Afrique reste un pan historique occulté.Dieu ne maudit jamais un homme qui cherche à mieux connaître la réalité tragique de sa propre histoire. Ni les Occidentaux ni les Arabes ne feront notre mémoire à notre place. A nous de l’irriguer et de la préserver. Elle éclaire notre demain, lanterne à jamais précieuse. Pourquoi au nom de l’islamisation des "infidèles" ce pillage humain qui, dans sa réalité, n’a même pas fait la différence entre musulmans noirs convertis ou non (en témoigne le cas d’Ahmed Baba) et qui a duré (du IXe au XXe siècle) reste un grand silence quand on ne hurle que l’autre crime contre l’humanité, la traite transatlantique ? Allons nous aimer d’autres peuples mieux que nous-mêmes ?Nous aimons convoquer la domination occidentale mais pourquoi ne reconnaissons-nous pas que la domination arabe, via l’islam, est plus prégnante et devenue fait admis jusqu’à nos noms, notre culture, notre panthéon jetés ?Certes l’islam structure notre société depuis le IXe siècle et son influence grandit (après le sabre et le sang, le prêche et le pétrodollar). Il y a seulement moins d’un siècle presque chaque village malien avait sa représentation cosmique en matière du divin et du vivre ensemble harmonieux, de la place de l’homme face à la nature, ses liens ininterrompus avec les ancêtres (les morts ne sont pas morts de Birago Diop dans souffle) et les mosquées n’avaient pas encore conquis tous les villages. C’est donc dire que cette religion est sans doute sociologiquement influente même si tout notre panthéon n’a pas encore été jeté sur les poubelles (voir l’excellent livre "Philosophie et géomancie en Afrique, vers la recherche d’une philosophie originelle" de feu Mamadou Lamine Traoré, ex-ministre de l’Education nationale, sur cette résistance de notre culture avec l’authenticité du paganisme et la ruralité malgré ce qu’il appelle "les assauts de l’islam". Nos valeurs authentiques, c’est le Santoro, le Hogon, le Koré, Amma, Aton, le Kurukanfuga, nos langues, nos noms, notre hospitalité, le respect des parents, des aînés, la solidarité, et tant d’autres valeurs qu’aucun envahisseur (politique ou religieux ne nous a apprises). Tout le reste existe certes (il n’est pas à nier) mais relève du brassage pour la plupart imposé par l’occident ou l’Arabie via l’islam. Cela ne signifie nullement que l’islam ne fait pas partie de nos valeurs. Au contraire, cet article n’a manqué d’évoquer son influence qui plus que sociale et sociétale mais la chance de ce pays n’est-elle pas de se battre pour son développement dans un environnement sociétal préservé du fanatisme religieux, de la mise sous tutelle étatique par la foi ? Mêmes ceux qui nous ont imposé les deux religions les plus influentes aujourd’hui sur le continent, c'est-à-dire le christianisme et l’islam, ont compris que malgré l’importance de la foi dans une vie, les églises et les mosquées ne sauraient être des succédanées aux hôpitaux, aux écoles, aux usines, défis majeurs pour toute société si elle ne veut pas se désintégrer sous le poids de la misère, du chômage, de la violence, de l’intolérance, la misère étant un terreau fertile à tant de calamités. ATT, une fois de plus, vient de démontrer - au grand dam de beaucoup de ceux qui l’estiment, j’en suis un d’ailleurs - qu’il est plus un président de statu quo que d’audace. Bâtir une nation prospère exige plus que de la volonté. Il faut une bonne dose d’audace et même de zèle !Demain WaterlooCeux qui s’empressent d’applaudir aujourd’hui les héros de la victoire à la Pyrrhus pourront pleurer demain les Waterloo de la nation. Quand la surenchère religieuse devient revendicative, aucune prière ne l’arrête et elle peut facilement enrôler les foules misérables et les obnubilés qui le plus souvent prient sans même savoir la signification des sourates. C’est loin d’être un souhait, nous aimons tous ce pays, mais gouverner c’est aussi songer au devenir collectif. Au nom de la vision stratégique des enjeux. Avec cette reculade face à une horde minoritaire intimidant la majorité féminine acquise à ce code quand bien même des femmes sont allées marcher voilées, ATT a soigné le présent. Il n’a pas sauvé l’avenir ! Donner plus de droits et de protection à nos mamans n’est nullement une occidentalisation du pays. La phallocratie et le machisme - s’ils ne sont pas atténués et régulés - peuvent être aussi des freins au progrès global de la société. Gardons-nous d’avoir demain sur nos têtes, non l’épée de Damoclès, mais plutôt le sabre des barbus. A force de céder, on finit par exposer même les acquis. Le "Pacte du Mandé" ne stipulait-il pas "ni man fisa ni ye" ? C’est-à-dire "aucune vie ne vaut plus qu’une autre vie". Le primat masculin, au nom de la phallocratie, en prend pour son grade tout comme l’esclavage qui fut aboli dans ce pacte alors qu’il reste non interdit dans le coran. Ce code du mandé prouve suffisamment que nous devons tout en restant musulmans ou chrétiens, faire la promotion de nos vraies valeurs authentiques.Même en Arabie saoudite - référence suprême de nos fanatiques - l’heure est à la remise en cause de certaines aberrations au détriment des femmes. La centaine de femmes saoudiennes qui ont signé l’an passé la pétition de mettre fin à l’interdiction faite aux femmes de conduire les voitures sont-elles au service de l’Occident ? A force de trop taper sur l’occident, nous risquons de lui attribuer des valeurs humaines louables qui - à l’évidence - sont partie d’Afrique il y a des siècles, des valeurs de protection de la personne humaine dont nous devrions d’ailleurs nous féliciter. Il n’y a qu’à citer le parallélisme entre le pacte du Mandé au XIIIe siècle qui stipulait, au nom des droits de la personne humaine où différence n’est faite entre femmes et hommes, que l’esclavage est interdit au Mandé à partir de ce jour et au même moment, les Arabo-Berbères continuaient à piller les filles et fils d’Afrique pour les amener chez eux, surtout que le Coran ne le leur interdisait nullement même si - à travers quelques versets - il est encouragé, seulement encouragé et non exigé d’affranchir ses esclaves.Entre ces deux lois, un musulman éclairé doit-il défendre ce pillage des fils d’Afrique au nom de l’absence formelle d’interdiction coranique ou doit-il choisir le pacte du Mandé, celui de nos valeureux dirigeants éclairés, nationalistes à l’époque ? Nous devons savoir que dans les deux grandes religions- christianisme et islam - trop de choses ont été au détriment des noirs. Le dire est loin d’être péché. Nous ne pouvons pas aimer les Arabes mieux que nous-mêmes. Qui peut dire que l’islam n’est qu’islam et qu’il ne véhicule pas en grande partie la culture arabe ?Parler de cette domination culturelle arabe sur fonds religieux, ce n’est nullement occulter celle de l’occident. Au contraire, ne passons nous pas trop de temps à critiquer l’Occident ? Le déficit de débat critique semble plus se trouver au niveau de nos rapports avec la culture islamique, sujet plus que tabou. Ce qui unit tous les Maliens, ce n’est pas l’islam mais la constitution laïque taillée autant pour les musulmans, les chrétiens, les animistes et même les athées, voire les agnostiques et les panthéistes.Que n’a-t-on pas entendu quand le président Alpha Oumar Konaré a organisé en son temps la rencontre des chasseurs africains chez nous ? Devons nous rejeter nos vraies valeurs qui ont droit de cité avant les religions étrangères. Et pourtant au cœur du "Pacte du Mandé", l’un des plus anciens codes juridiques protecteurs des droits de la personne humaine, l’on trouve le serment des chasseurs.Que notre lucidité stratégique et nos vraies valeurs africaines nous sauvent et que Dieu, le vrai, pas celui, fonds de commerce de certains, à qui on a prêté tant d’infamies et d’atteintes à la dignité de la personne humaine - protège le Mali !

Yaya Traoré(yayakaiser2003@yahoo.fr, doctorant en sciences politiques, Paris)

EPITRE

Aux musulmans sur la crise du Code de la famille

Les Echos du 15 septembre 2009 (Mali)

Le nouveau Code de la Famille fait largement débat. Il fallait s'y attendre.On ne peut en effet pas proposer une réforme aussi importante d'une société sans s'imprégner des réalités profondes de cette société, sans au préalable procéder à une large campagne d'information, de sensibilisation et concertation des populations concernées. Et c'est là que nous interpellons une fois de plus le pouvoir actuel sur son dilettantisme et ses pratiques de bricolage, les partis politiques sur leur manque de vision et leur incapacité chronique à faire de l'animation politique en dehors des campagnes électorales. Se contenter de la situation de rente (au demeurant scandaleuse) qu'offrent les officines politiques et fonctionnariser le statut de l'homme politique (qui devrait avant tout être un militant) ne peut qu'aboutir à de tels désastres.Mais ce n'est pas un cas désespéré. Bien au contraire. Ce coup de semonce de la société civile musulmane malienne, si rude soit-il ne doit pas être une occasion manquée : c'est le moment ou jamais de se pencher sur certains paradigmes dont on ne peut plus faire l'impasse dans la perspective d'une refondation de la société malienne. Car cette refondation, elle aussi, est incontournable : le Mali n'est pas localisé sur un lieu autre que la planète Terre. Et sur cette planète Terre qui est en passe d'atteindre ses limites écologiques, sociales, économiques et morales, tout nous pousse au changement : le redimensionnement de la matière, la reconfiguration du vivant, la contraction du temps et de l'espace qui casse toutes les barrières et expose tous les systèmes à d'autres influences, nos crises sociales et économiques, notre démographie galopante qui va croiser de façon dramatique dans les 50 ans à venir l'épuisement des ressources stratégiques et fort vitales comme l'eau, les énergies non renouvelables, les terres arables, les espaces habitables...Face à ces challenges et à la lumière du malaise créé par le projet du Code, j'aimerais donc, en simple citoyen, sans aucune prétention d'exégèse, examiner avec vous quelques points de réflexion. Il ne s'agit pas d'émettre un quelconque jugement sur le Code, mais de contribuer à l'esquisse d'une approche méthodologique d'un cadre de dialogue. Quelle place pour le musulman dans une société plurielle ? Faut-il le rappeler ? La société malienne est plurielle. Notre pays est composé de femmes et d'hommes, de jeunes et de vieux, de Blancs et de Noirs, de chrétiens, de musulmans, d'animistes et d'agnostiques. Sans compter les innombrables ethnies dont les croisements ont contribué à créer d'autres sous-ensembles dont nul ne saurait aujourd'hui faire le décompte exact. Nous faisons donc, comme tout Etat moderne, face au paradigme de la cœxistence pacifique de tous ces constituants, de toutes ces sensibilités, dans le respect des droits de chacun et de tous. L'Etat d'après Emmanuel Kant est une "communauté de volontés impures" en ce sens que les groupes sociaux et les individus qui le composent sont mus par des ressorts, des ambitions et des instincts distincts, parfois même contradictoires.C'est là qu'il faut bien que chacun laisse quelque chose au vestiaire pour aboutir à un compromis, mieux à un consensus social pour la survie de l'ensemble. C'est là qu'il faut savoir concilier la nécessité d'un rempart social conféré par la participation de la majorité et la protection des droits des minorités. Tout groupe social est appelé à investir l'espace public pour participer à cette dynamique sociale. La question qui se pose est donc la suivante : la défense des intérêts d'un groupe sur la base de la religion est-elle compatible avec la laïcité ?Nous pensons que oui. Le groupe religieux a le droit, voire le devoir de faire de l'animation religieuse, pour apporter sa sensibilité et sa contribution à l’édification de la maison commune, tant il est vrai que le droit, en tant qu'instrument de "codification des responsabilités, des libertés et des principes de cœxistence" (Tariq Ramadan) doit émerger avant tout d'un consensus social. Le musulman, en tant qu'acteur social a donc pleinement le droit et même le devoir de manifester pour faire connaître sa différence dans une société pluraliste. Mais une nuance de taille se dessine ici : si les sociétés musulmanes ont appris à codifier et à gérer la pluralité, cela s'est toujours effectué historiquement dans un statut de société majoritaire, dominante. Les sociétés juive de Médine et chrétienne de Najran étaient ultra-minoritaires. Appelées "al adh dhimma", c'est-à-dire ceux qui sont sous contrat, elles bénéficiaient d'un haut degré de protection de la part des musulmans qui détenaient l'intégralité des pouvoirs à l'époque (pouvoirs politique, économique, judiciaire, législatif).Le défi actuel des musulmans dans une société plurielle sécularisée consiste donc à gérer les relations avec d'autres groupes sur un pied d'égalité en citoyenneté. Car, hormis les cas exceptionnels du bahaïsme (qui admet toutes les grandes religions) et du bouddhisme (qui n'exclut aucune grande religion), aucune religion n'est soluble dans une autre. L'argument de la majorité numérique n'est pas valable pour imposer des mesures qui sortent de la règle commune, c'est-à-dire la laïcité qui garantit l'égalité des identités. Ici, ce n'est pas le fait majoritaire, mais le fait consensuel qui devrait s'imposer.Existe-t-il des règles de gestion de la culture musulmane dans une société non islamique ? C'est une question existentielle qui se pose à nombre de musulmans aujourd'hui, surtout dans les pays non développés. Ce questionnement ne résulte pas tant d'une quelconque avancée des "islamistes" que de l'échec de nos "Etats modernes" dans leurs actions de développement et de redistribution des revenus nationaux, avec ses conséquences sociales désastreuses (aggravation des inégalités, paupérisation du plus grand nombre, fragilisation des familles, des communautés et des individus, dissolution des mœurs, etc).L'Etat moderne n'ayant pas souvent tenu ses promesses, la recherche d'alternatives crédibles s'effectue avec d'autant plus de radicalisme que beaucoup de musulmans, et parfois parmi les plus lettrés, s'accrochent à la lettre et non à l'esprit des textes religieux. L'on fait ainsi croire à nombre de fidèles que la parole de Dieu est immuable, que tout est dit dans les textes et que s'en écarter d'un iota reviendrait tout simplement à tomber dans l'apostat, voire dans la mécréance.Qu'en est-il en réalité ?Les deux sources essentielles du droit islamique, c'est connu, sont le Coran et la sunna qui donnent les principes et les orientations dont le musulman doit s'inspirer constamment pour gérer sa vie. Le chemin à suivre pour appliquer les principes est justement cette Chari'a que d'aucuns réduisent à un Code pénal extrêmement sévère, caricaturé par la lapidation, l'amputation des membres, etc. Or il se trouve que si l'enseignement des sources est complet et immuable dans le dogme, il est à adapter et à compléter dans la vie sociale, selon les exigences de l'époque et du lieu. Oui, l'islam n'a jamais rejeté la nécessité de gérer selon les contextes cette diversité humaine voulue par Dieu Lui-même. Plusieurs éléments et anecdotes l'attestent :a) l'entretien que le prophète Mohamed (PSL) a eu avec le juge Mu'adh ibn Jabal, au moment du départ de ce dernier pour le Yémen est très révélateur : - Selon quoi jugeras-tu ? Lui demanda le prophète. - Selon le livre de Dieu, répondit Mu'adh. - Et si tu n y trouves rien ? Selon la tradition (sunna) du prophète de Dieu. - Et si tu n y trouves rien ? Alors je mettrai toute mon énergie à formuler mon propre jugement sur quoi, le prophète loua Dieu (cf. Tariq Ramadan, Le face à face des civilisations).Ainsi le prophète lui-même (PSL) a admis la possibilité de faire face à des situations non prévues dans les deux sources (Coran et sunna) ! Ainsi il est demandé aux musulmans et plus précisément aux ulémas, tout en respectant l'esprit des sources, de faire l'effort de réflexion nécessaire à la formulation de leur propre jugement devant une situation nouvelle qui ne trouve pas sa réponse dans les textes ! C'est cela l'ijtihad, l'effort de réflexion.Et c'est cela que nous demandons à nos savants musulmans, pour nous éclairer face à un monde en mutation. Et c'est peut-être par ce l'ijtihad l'intellect (et non plus du sabre) que passera la conquête de nouveaux espaces par l'islam : "L'encre de l'érudit qui répand la Parole d'Allah est aussi sacrée que le sang du martyr qui défend cette Parole", a dit un sage. b) l'établissement de nouvelles législations (fiqh) par certaines figures saintes de l'islam en fonction des conjonctures sociales, culturelles, politiques ou économiques : - ainsi le calife Oumar n'hésita pas à suspendre l'application de l'amputation des mains des voleurs pendant l'année dite de la famine, estimant qu'un vol commis pour ne pas mourir de faim n'est pas un vol.- L'imam As-Châfi n'en a pas fait moins : après un voyage au Caire, il apporta de nombreuses modifications au fiqh qui avait cours à Bagdad, arguant que l'application des textes peut être plurielle et demander par conséquent une adaptation contextuelle.c) L'existence du principe du as-choura, le principe de la concertation, de la consultation : il a été scrupuleusement suivi par le Prophète, il a fait l'objet d'injonctions coraniques aux musulmans "consultez-les en toute chose"). Or, que signifie la nécessité d'un tel principe, sinon la reconnaissance de la pluralité et son mode de gestion ?En conclusion, l'islam, sans se trahir est capable de dialogue, d'adaptabilité, de consensus si l'on utilise de façon optimale tous les outils qu'il met à la disposition des croyants.En guise de conclusionJe voudrais rappeler ici les propos du Pr. Blamont : à brève échéance, notre monde n'aura plus les ressources nécessaires à sa survie si nous continuons à vivre comme nous l'avons fait jusque-là. Et quand on lui demanda comment désamorcer la bombe, il déclara dans un premier temps qu'il n'y a aucune solution. Puis, il se ravisa et dit que la seule solution envisageable serait de faire appel à notre spiritualité.C'est dire qu'aujourd'hui plus que par le passé, nous avons besoin des communautés croyantes. Le monde a donc besoin de l'islam.Il a besoin d'un islam vivant dont les leaders sont capables d'ijtihad, pour comprendre et maîtriser leur environnement.Mais il a aussi besoin d'un islam qui soit inscrit aussi dans les cœurs et non pas seulement dans les textes ! Que les musulmans et plus précisément les ulémas soient aussi prompts à défendre l'idéal social de l'islam que ses textes ! Soyons empathiques et charitables envers notre prochain : "Vous n'atteindrez la plénitude de la piété que lorsque vous parviendrez à donner ce que vous aimez", a dit le Coran. Avons-nous jamais marché pour protester contre les conditions infra humaines des jeunes mendiants de 4 à 5 ans qui infestent les carrefours de nos villes, de nos handicapés qui traînent à terre sur l'asphalte brûlant, entre véhicules et piétons, pour chercher leur pitance ? Contre les souffrances indicibles des malades qui crèvent dans nos hôpitaux faute de soins ? Contre la situation tragique des milliers de femmes qui meurent de façon anonyme dans nos campagnes au cours d'accouchements effroyables ? Non !Beaucoup de nos nantis et de nos ulémas sont plutôt attachés à acquérir de plus en plus de richesses, de plus en plus de palaces, de plus en plus de véhicules de luxe, de voitures Hummer et à faire chanter leurs louanges par des cohortes de griots, bref à vivre dans un monde de vanité et d'opulence. Est-ce cela l'islam du prophète (PSL) qui réparait lui-même ses chaussures et rapiéçait ses habits ? Est-ce cela l'islam de Cheickou Amadou de Hamdallaye qui, tous les soirs, sur sa peau de prière, se passait une corde de pendu autour du cou pour ne pas céder à la faiblesse de la chair en s'endormant comme un insouciant ? Est-ce cela l'islam de Niaro Karamoko qui labourait son champ et battait son mil de ses mains ?Soyons comme Abdoul Moun Talib, le grand-père du prophète (PSL) qui n'hésitait pas à se déchausser pour offrir ses chaussures à un pauvre hère et endurer lui-même le calvaire du sol brûlant de l'Arabie ! Soyons comme Ibn Chibli qui, un soir pluvieux à Bagdad n'hésita pas à recueillir dans la rue un chat transi de froid et à l'abriter sous son manteau pour le sauver de la mort.Nous voulons une société et des familles stables et saines ? Soit ! Avons-nous jamais protesté contre la destruction des familles paysannes qu'on dépossède de leurs terres ancestrales pour les jeter dans la rue ? Contre cette école déstructurante qui, au nom du slogan mensonger de "l'excellence" procède par une sélection basée sur le népotisme et le clientélisme et envoie une masse incalculable de jeunes dans les souricières du chômage tout en clonant les élus dans les filières de luxe de leurs ascendants ?Avons-nous jamais protesté contre ces nouvelles castes, véritable déni à l'équité, qui polarisent de plus en plus notre société entre nantis et marginaux ? Avons-nous jamais marché contre cette corruption destructrice quand bien même le Coran a dit "Dieu n'aime pas ceux qui sèment la corruption" ? Et comment peut-on espérer bâtir des familles dignes de ce nom dans un tel contexte délétère ?C'est dans cette lutte globale, intégrée, que nous devons nous engager, dans le respect de toutes les identités qui structurent cette nation. Faute de quoi toute démarche à la carte pourrait être suspectée de politicienne, c’est-à-dire bassement mercantile, matérialiste, intéressée et manipulatrice des masses.

Abdoul Traoré dit Diop(président de l’ADJ)

mercredi 2 septembre 2009

Religion Débat religieux : Jésus fils de Dieu ?

Le Républicain, 02/09/2009

Beaucoup de gens de la mosquée demandent aux évangélistes cette autre question qui divise les croyants : «Dieu saurait-Il avoir un enfant ?». Voici, à propos un extrait de mon témoignage sur des réflexions personnelles faites avant que je ne sois devenu chrétien.

«…il y a le verset 116 de la sourate 2 : «Et ils ont dit : «Allah s’est donné un Fils !». Gloire à Lui !...», ainsi que le verset 171 de la sourate 4 qui dit : «Ô gens du Livre (chrétiens), n’exagérez pas dans votre religion et ne dites d’Allah que la vérité. Le Messie Jésus, fils de Marie, n’est qu’un Messager d’Allah, Sa Parole qu’Il envoya à Marie et un souffle (de vie) venant de Lui… Allah est trop Glorieux pour avoir un enfant…».
«…Cependant, si le Coran renforçait ma conviction sur l’Unicité de Dieu (et de la religion en conséquence), s’il me réconfortait aussi dans mon élan vers l’Evangile en m’invitant à y croire pour être sur le bon chemin du Seigneur Dieu (v.4 et 5, s.2), il suscitait en même temps un paradoxe en moi en n’admettant pas que Dieu ait un Fils, alors que tous les évangiles de la Bible prônent que Jésus est le Fils de Dieu. Jésus lui-même y déclare qu’il est le Fils de Dieu et les évangélistes Matthieu, Luc, Marc et Jean ont tous témoigné qu’au baptême de Jésus, Dieu a dit : «Celui-ci est Mon Fils Bien-Aimé. En lui je place Toute Ma Joie. Ecoutez-le»… Dans le témoignage de Luc nous trouvons que l’ange Gabriel a dit à Marie : «Le Saint Esprit viendra sur toi et la Puissance du Dieu Très Haut te couvrira comme d’une ombre. C’est pourquoi, on appellera Saint et Fils de Dieu l’enfant qui doit naître». (Luc : ch.1, v.26 à 38). Si le Coran nous recommande de croire en l’Evangile, mais de ne pas croire que Jésus est le Fils de Dieu, il s’agira de croire en quel évangile alors ?
Pourtant, le Coran qui n’admet pas que Dieu se soit attribué un Fils, reconnaît pourtant que «le Messie Jésus est la Parole de Dieu qu’Il (Dieu) envoya à Marie et un souffle (de vie) venant de Lui» (v.171, s.4). C’est-à-dire que le Coran reconnaît que non seulement Jésus est «le Messie», mais aussi qu’il vient de Dieu par sa naissance de Marie… Logiquement, quand un enfant tient sa naissance, sa conception ainsi de quelqu’un, c’est celui-là qui devient son père. Pourquoi dans le cas de Jésus lui refuserait-on un père, d’être appelé «Fils» de Celui dont il tient sa naissance ? Certainement que le concept «Fils de», en arabe, ne peut avoir qu’un sens : «issu des reins de», ce qui expliquerait que le Coran à propos : «créateur des cieux et de la terre, comment aurait-Il un enfant, quand Il n’a pas de compagne ?...» (v.101, s.6). Si c’est parce qu’Il n’a pas de compagne que Dieu ne saurait avoir de Fils, comment comprendre alors «fils du démon», «fils du diable» ou «fils du monde ?».
Pour un enfant reconnu par tous (la Bible et le Coran) comme provenant de Dieu par sa naissance (qui le distingue des autres envoyés), je trouvais injuste de devoir admettre qu’il n’a pas de père alors qu’il a une mère. Le fait que ce soit une femme qui l’ait mis au monde est un son devenir relationnel avec le Divin. Cela mérite en conséquence d’être considéré avec une grande délicatesse intellectuelle et morale. Il ne convient pas au Dieu Très - Haut d’avoir une compagne pour faire ce qu’Il veut faire… Il lui convient plutôt, en Dieu auquel tout appartient, d’avoir une créature soumise à Sa Volonté…et quand Il dit «soit» la chose est… Ainsi créa-t-Il Adan…
Le Coran recommande de croire en l’Evangile. Dans l’Evangile, il est dit que l’ange Gabriel avait dit à Marie : «Le Saint Esprit viendra sur toi et la Puissance du Dieu Très - Haut te couvrira comme d’une ombre. C’est pourquoi on appellera Saint et Fils de Dieu l’enfant qui doit naître». (Luc : ch.1, v.26 à 38). Et le Coran aussi affirme que «le Messie Jésus» est «la Parole que Dieu envoya à Marie» ainsi que «le souffle de vie venant de Lui». «La Parole que Dieu envoya à Marie ainsi que le souffle venant de Lui», dont parle le Coran, relèvent de «la Puissance du Dieu Très - Haut» dont il est question dans l’Evangile, et c’est à cause de cette Puissance qui a couvert Marie (bénie soit-elle) comme d’une ombre, que l’enfant est appelé «Fils du Très - Haut» ou «Messie»…
En tout état de cause, la conception coranique de «Fils de» dans le sens d’«issu des reins de» est certes inconvenante à Dieu, mais plutôt de Son Saint Esprit… J’avais cependant une réserve par rapport à l’authenticité du Coran puisque ses auteurs reconnaissent ceci (dans sa préface) : «… La tâche du traducteur n’est jamais aisé surtout lorsqu’il refuse de trahir ou de s’aventurer à donner une interprétation personnelle. Malheureusement, force est de constater qu’un grand nombre de traductions ne sont autre chose que le reflet de la compréhension de leur traducteur»…».
Que Dieu vous bénisse.

Gabriel Konaké

mardi 1 septembre 2009

L’homme et la brebis

L'Essor, 01/09/2009

I.D. préfère aller avec les bêtes parce qu'il ne paie rien et ne risque pas d'attraper des maladies sexuellement transmissibles
La zoophilie désigne l'attirance sexuelle ou affective d'un humain pour les animaux. Elle est généralement considérée comme une déviation ou une perversion sexuelle, dans laquelle l’animal devient un objet du désir. Bien qu'elle ne soit plus listée dans le DSM, référence psychiatrique en matière de pathologie mentale, depuis 1980 dans certains pays européens, cette pratique est, depuis 2004, punie par la loi en France. Dans notre pays, la zoophilie, à notre connaissance, n'est pas connue par la loi à fortiori la réprimer.
La pratique de la zoophilie remonte à l'antiquité. Il existe de nombreux dessins de cette période l'illustrant. Le thème a inspiré de nombreuses œuvres d'art. Aux USA, le fameux rapport Kinsey sur la sexualité faisait état de 8% d'adultes ayant eu, au moins une fois, cette pratique.
La zoophilie est plus répandue à la campagne qu'en ville. En campagne ce sont surtout les hommes qui entretiennent des rapports avec des femelles d'animaux domestiques. En ville, sous d'autres cieux, notamment en Occident, ce sont plutôt les femmes qui entretiennent des rapports intimes avec leurs animaux de compagnie.
La zoophilie exclusive est classée dans les déviations sexuelles comme l'exhibitionnisme et le fétichisme.
Notre héros du jour, I.D. ne vit pas sous d'autres cieux, mais tout près de nous à Niamakoro. L'homme d'un âge moyen est bien connu dans le quartier pour sa timidité et son caractère très courtois envers les voisins et les proches. Mais ce que ceux-ci ne savaient pas c'était que I.D. est un pervers de la pire espèce. Il a une aversion pour les femmes. Entre lui et celles les rapports se limitent aux simples salutations. Des mauvaises langues avaient même commencé à le qualifier d'impuissant sexuel. Ce qui s'avéra faux la semaine dernière. Mais de la manière la plus odieuse.
Dans la nuit de samedi à dimanche dernier, il n'avait pas plu aux premières heures. La chaleur moite associée aux moustiques obligea beaucoup de personnes à aller chercher de l’air. Il y avait donc un mouvement continu dans le quartier. Des jeunes allaient et venaient, histoire d'écourter la nuit et de prendre le « sougouri » avant d’aller se coucher pour ne se réveiller que très tardivement dans la journée.
I.D. avait quitté précipatemment ses amis après avoir rompu le jeûne pour se rendre dans une maison en chantier non loin de chez lui. Là des brebis paissaient tranquillement avant de rejoindre leur enclos à quelques mètres. Le propriétaire V.B., un homme d'un âge avancé les attendait. Il savait que ses animaux n'allaient pas passer la nuit au dehors. Il prenait du thé devant la porte et surveillait de loin les mouvements des bêtes et tout ce qui passait dans les environs. Il ne voulait pas se faire surprendre comme ce fut le cas il y a quelques années lorsque des voleurs lui avaient vidé son enclos une nuit de pluie.
PANTALON BAISSE. Lorsque le berger finit de prendre les trois verres de thé et sentit le besoin de rejoindre son lit, il quitta sa chaise en Nylon et alla vers les animaux. Le gros du troupeau paissait encore dans la cour du chantier envahie par des herbes folles. Mais une brebis, la plus grosse n'était pas là. Le propriétaire s'affola sans trop chercher. Pour lui, la matriarche de son troupeau avait été volée. Il contourna en hâte le bâtiment, fit le tour de tous les coins en regardant dans tous les sens sans repérer sa brebis choyée. V.B. décida alors d'entrer dans chacune des chambres en construction du bâtiment. Une première, puis une deuxième inspection ne donnèrent rien. C’est dans la troisième chambre qui semblait vraisemblablement servir de magasin, qu’il tomba sur l’inédit. Il aperçut dans la pénombre, un homme, le pantalon baissé jusqu'aux genoux, tenant la bête par les flancs et en train d'entretenir des rapports sexuels avec elle.
Surpris par ce qu'il venait d'apercevoir, le propriétaire des animaux se frotta les yeux pour mieux voir s’il n’était pas en train de dormir débout. Pour lui, le spectacle qui s'offrait à lui ne pouvait pas être de la réalité. Il ne l'avait jamais vu ni dans un rêve, ni dans une salle de cinéma. I.D., pendant ce temps, était tellement aux anges qu’il n'avait pas remarqué la présence dans les locaux de l'homme posté derrière lui. Pour s'en rendre compte, il a fallu que V.B. le saisisse par la ceinture et lui lance "ni ye mu ye" (c'est quoi ça en Bamanankan).
A ces mots, I.D. s'arracha à la bête et voulut prendre la fuite. Mais le propriétaire de l'animal le tenait déjà bien par la ceinture. Il se débattit comme il pouvait sans pouvoir se défaire de l'emprise de l'homme. Lorsque V.B. sentit que ses forces commencer à faiblir (I.D. étant un homme au gabarit impressionnant), il cria au secours. Des jeunes qui passaient vinrent à son secours et l'aidèrent à maîtriser le zoophile.
Après quelques explications données par le propriétaire de la brebis., I.D. qui a failli connaître les plus sales moments de sa vie, eut la chance d'être conduit au commissariat du 10e arrondissement.
L'inspecteur Maky Sissoko le reçut et l'écouta sans bien comprendre de quoi il s’agissait vraiment. Il ne nia pas un seul mot des propos de V.B. et expliqua son acte par deux faits : le premier d'après lui, c'est le mois de carême. Pour lui, il n'était pas question pour lui de faire un péché avec une femme d'autant plus que c'est un acte condamné par la religion. La deuxième raison avancée par l'homme, ce sont les multiples maladies qui existent aujourd'hui. I.D. dit craindre les infections sexuellement transmissibles. Les bêtes, croit-il savoir, ne sont pas porteuses des maladies comme le sida. Il les préfère donc aux femmes plus coûteuses et plus enclines de lui transmettre de graves maladies.
Les policiers, à moins qu'ils ne retiennent contre I.D. une atteinte à la pudeur, ne savent sous quel angle traiter cette affaire.
Car notre droit positif ne prévoit pas les problèmes de zoophilie. Sur demande du propriétaire de la brebis, I.D. a été relâché. Mais depuis lors, il n'a plus été vu dans son quartier. Peut-être, a-t-il peur d'être indexé par tous comme celui qui fait l'amour avec les animaux.
G. A. DICKO


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